Nouveau centre administratif: la CSDM se passe d’une grille d’analyse


La Commission scolaire de Montréal (CSDM) ne se sert d’aucune grille d’analyse pour évaluer les différentes propositions de location de bureaux afin de loger son personnel administratif, a appris La Presse. L’enjeu est considérable : un contrat de location de 20 ans d’une valeur d’environ 100 millions.

La commission scolaire n’est pas obligée par la loi de se servir d’une grille de calcul, mais deux élus et un courtier d’expérience peinent à comprendre comment la CSDM peut se passer d’un tel outil.

La CSDM cherche à déménager ses 760 employés administratifs parce que les bureaux actuels au 3737, rue Sherbrooke Est, sont insalubres. Elle a fait un appel d’avis d’intérêt en décembre dernier. Des propriétaires ont soumis des propositions.

Le 23 mai dernier, le conseil des commissaires a adopté à 13 voix contre 3 une résolution donnant le mandat à l’administration de signer une lettre d’intention avec un propriétaire pour la conclusion d’une convention d’usufruit pour des bureaux d’un terme de 20 ans à compter du printemps 2019.

La résolution précise que la superficie louée fait encore l’objet de négociations. Dans l’avis d’appel d’intérêt, la CSDM cherchait 185 000 pi2 (17 200 m2). L’usufruit s’apparente à un contrat de location à la différence que l’entretien et les travaux sont à la charge du locataire.

Le propriétaire de l’immeuble n’a pas été identifié dans la résolution. Le dossier du déménagement du centre administratif est confidentiel.

GRILLE INEXISTANTE

Cette semaine, La Presse a demandé à la CSDM si elle pouvait rendre public le nombre de soumissionnaires qui avaient répondu à l’appel d’avis d’intérêt, de même que la grille d’analyse servant à l’évaluation des propositions. On nous a répondu qu’une telle grille n’existait pas.

« Je vous rappelle qu’il ne s’agit pas d’un appel d’offres, mais d’un appel d’avis d’intérêt, il n’y a pas de soumission ni de grille d’analyse. Dans un appel d’intérêt, les propriétaires nous joignent et nous manifestent leur intérêt à nous louer leurs espaces », écrit dans un courriel Alain Perron, responsable des relations de presse à la CSDM.

Par la loi, la CSDM n’a pas l’obligation de procéder par appel d’offres.

Toutefois, une grille d’analyse a une réelle utilité pour déterminer l’offre qui répond le mieux aux besoins de l’occupant, avance Christian Guay, courtier d’expérience et président de l’agence Nationale Immobilière, à qui La Presse a demandé d’expliquer son importance dans une démarche de recherche de locaux.

« Oui, ça te prend une grille d’analyse avec pointage pour t’aider à déterminer la meilleure proposition qui n’est pas nécessairement celle qui a le prix le plus bas. »

– Christian Guay, courtier d’expérience

Commissaire scolaire indépendant, Jean-François Gosselin a voté contre la résolution du mercredi 23 mai. Il ne peut pas justifier publiquement pourquoi il s’oppose à la résolution sans briser la confidentialité exigée par la CSDM. M. Gosselin se sent brimé dans son rôle d’élu. C’est pour cette raison que les deux autres commissaires indépendants et lui ont demandé à la Vérificatrice générale du Québec d’intervenir à la CSDM le 9 mai dernier.

« C’est très préoccupant qu’il n’y ait pas de grille d’analyse, dans l’optique qu’il s’agit d’un contrat qui engage la commission scolaire pour 20 ans et un contrat d’une valeur d’une centaine de millions de dollars », a-t-il dit, quand La Presse l’a invité à commenter.

« Une grille d’analyse, a-t-il poursuivi, aurait permis de rassurer le public sur la pertinence de la dépense qu’on s’apprête à faire. Comme il n’y a pas de grille d’analyse qui a été utilisée, on prête flanc à la critique, car on fait intervenir l’arbitraire. »

La Presse a par la suite demandé l’avis à un élu d’un autre ordre de gouvernement s’il était pratique courante d’utiliser une grille d’analyse quand vient le temps d’évaluer et de comparer entre elles les propositions soumises par les répondants à un avis lancé par un corps public.

« À ma connaissance, on utilise toujours une grille d’analyse avec système de pointage quand vient le temps d’étudier les propositions. »

– Hadrien Parizeau, conseiller de la ville du district Saint-Sulpice, dans Ahuntsic-Cartierville, et conseiller associé au comité exécutif de la Ville de Montréal

M. Parizeau s’intéresse au centre administratif parce qu’au moins un propriétaire de la rue Chabanel a offert ses locaux à la CSDM.

« Je suis surpris que vous me disiez qu’il n’y a pas de grille d’analyse, enchaîne-t-il. Tu bases ta réflexion sur quoi ? Un moment donné, quand tu analyses deux dossiers, il faut les analyser à partir de critères objectifs. »

Sur la question de la confidentialité, M. Parizeau comprend que des dossiers soient traités de façon confidentielle par les élus quand il y a, par exemple, négociation financière. « Toutefois, si la confidentialité empêche l’élu de justifier son vote, c’est un peu particulier. Il faut quand même que les élus puissent s’exprimer publiquement sur le dossier. »

COMINAR TOUJOURS DANS LA COURSE

Le propriétaire Cominar est toujours au plus fort de la course pour accueillir le centre administratif de la Commission scolaire de Montréal.

Cominar propose de loger le personnel administratif de la CSDM au 5100, rue Sherbrooke Est.

« Nous avons répondu à l’appel d’avis d’intérêt », a dit Sylvain Cossette, dans un point de presse qui a suivi sa conférence devant le Cercle finance et placement du Québec, le jeudi 24 mai, le lendemain du vote de la résolution de la CSDM. « On aimerait beaucoup accueillir la CSDM chez nous. On est là en tout temps pour répondre à leurs questions. C’est un dossier qui suit les processus internes de la CSDM. Ils sont en réflexion. Comme probablement les autres propriétaires, j’ai hâte de savoir qui elle va choisir. »

Cominar était le propriétaire avec lequel la CSDM négociait un bail de 20 ans en 2017 après avoir sollicité le marché pour une location de 2 à 6 ans. L’opposition caquiste à Québec avait dénoncé publiquement cette façon d’agir. En réaction, la commission scolaire avait décidé de lancer un second appel d’avis d’intérêt en décembre, cette fois, pour une location à long terme.

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