Laval: 22 classes spécialisées de moins à la rentrée


Confrontée à une augmentation constante du nombre d’élèves, la Commission scolaire de Laval (CSDL) fermera 22 classes spécialisées à la rentrée prochaine. Une mesure qui s’explique par un manque d’espace et qui aura pour conséquence d’augmenter le nombre d’enfants par classe.

« Ce sont des élèves vulnérables, qui ont de grands besoins », s’inquiète André Arsenault, responsable du dossier Élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA) et membre du conseil d’administration du Syndicat de l’enseignement de la région de Laval. « Les enseignants auront moins de temps pour chacun. Cela va affecter la réussite des élèves. »

Enseignant en adaptation scolaire depuis 21 ans, M. Arsenault a eu pendant 10 ans une classe TSA. « Dans un groupe, quand on ajoute un élève, on affecte tous les autres de la classe. Ce sont des élèves anxieux, qui peuvent transmettre leur inquiétude aux autres membres du groupe. Il faut donc un suivi très personnalisé », dit-il.

« On aura du mal à les amener au maximum de leur potentiel. »

– André Arsenault, responsable du dossier Élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage

De son côté, la CSDL se veut rassurante. « Cette décision ne met pas en péril la réussite de nos jeunes », dit sa présidente, Louise Lortie.

PLUS D’ÉLÈVES, MOINS DE CLASSES

À la CSDL, il y a actuellement 141 classes spécialisées en trouble du spectre de l’autisme (TSA), soutien langagier et soutien émotif. La décision d’en fermer 22 a été prise même si le nombre d’élèves au primaire et au secondaire passera de 1183 à 1248 dans ces classes, soit une hausse de 65 élèves.

Comment justifier ces fermetures ? Cela « s’explique principalement par l’hypercroissance de notre clientèle scolaire dont le rythme est tel que même si nous réalisons plusieurs projets de construction et d’agrandissement d’écoles, nous devons trouver des solutions pour accueillir tous nos élèves », justifie Louise Lortie.

En effet, l’augmentation réelle du nombre de jeunes au primaire et au secondaire a dépassé les prévisions du ministère de l’Éducation.

Faute d’espace, la quasi-totalité des écoles primaires a sacrifié des bibliothèques, des locaux de musique et d’arts pour accueillir un nombre grandissant d’élèves. Dans certaines écoles, la CSDL doit même installer des unités modulaires (roulottes) pour scolariser les élèves, en attendant de nouvelles constructions.

Mais ces efforts ne sont pas suffisants, et la CSDL a dû faire des compromis. Ainsi, les classes spécialisées fermées seront occupées par d’autres classes « classiques ».

Conséquence de ces fermetures : il y aura, en moyenne, un élève de plus par classe au primaire et deux élèves de plus par groupe au secondaire dans ces classes spécialisées. Alors, pour soutenir les établissements et les enseignants dans ce changement, 1287 heures hebdomadaires supplémentaires seront attribuées à des techniciens d’éducation spécialisée (TES) en 2018-2019 dans les classes maintenues. Cela correspond à l’équivalent de 46 TES à temps plein. Ce soutien s’ajoute aux TES déjà en poste dans l’ensemble des écoles qui accueillent des classes TSA pour prodiguer soutien langagier et soutien émotif.

« ON COUPE SUR L’ENSEIGNEMENT »

Pour Julie Ricard, présidente du Comité consultatif des services aux élèves handicapés et aux élèves en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (CCSEHDAA) de la CSDL, l’allocation de nouvelles heures aux TES est une bonne mesure, quoi qu’insuffisante.

« Les TES n’ont pas le même rôle que l’enseignant. En fermant des classes, on coupe sur l’enseignement. »

– Julie Ricard, présidente du CCSEHDAA

« On est pris au piège par des décisions passées », fustige Julie Ricard. Alors que le nombre d’élèves est en constante évolution à Laval depuis des années, elle regrette le manque d’anticipation. « Des écoles ont été fermées. Il aurait fallu planifier l’évolution des infrastructures à long terme avec la Ville. Et même si des écoles vont être construites, cela va prendre du temps. »

6800 ÉLÈVES DE PLUS D’ICI 2032

Ces dernières années, la CSDL dit avoir « augmenté sa capacité d’accueil par l’acquisition de bâtiments pouvant être revitalisés, l’agrandissement et le réaménagement d’écoles et de locaux polyvalents, le déménagement d’écoles, etc. ». D’autres projets de construction et d’agrandissement sont en cours. Une nouvelle école devrait, entre autres, bientôt ouvrir dans le secteur de Vimont-Auteuil, et les travaux d’une nouvelle école primaire au parc de Cluny, dans le secteur Laval-des-Rapides, devraient débuter d’ici quelques semaines.

Selon les prévisions du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur datant de mars 2018, la CSDL devra accueillir 6800 élèves additionnels dans ses écoles primaires et secondaires d’ici 2032. « Pour imager l’ampleur de cette croissance, il faudrait construire l’équivalent de 11 nouvelles écoles primaires afin de répondre aux besoins de tous ces nouveaux élèves », dit Louise Lortie.

10 000

Au cours des cinq dernières années, ce sont plus de 10 000 élèves additionnels que la CSDL a accueillis dans ses établissements, tant au primaire et au secondaire qu’au secteur des adultes et de la formation professionnelle.

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La CSDM ferme des classes spécialisées pour enfants ayant de graves difficultés d’apprentissage


Six classes spécialisées pour des élèves ayant les plus grandes difficultés doivent fermer leurs portes à la fin de l’année scolaire. Ces 90 enfants, qui ont un retard d’au moins deux ans sur le programme, seront intégrés dans des classes ordinaires de la Commission scolaire de Montréal (CSDM).

Selon ce qu’a appris Le Devoir, la plus grande commission scolaire du Québec estime que ces élèves ayant des « difficultés graves d’apprentissage » (DGA) seront mieux servis dans des écoles ordinaires — avec le soutien d’orthopédagogues — que dans des classes spécialisées.

Le syndicat des enseignants de la CSDM dénonce cette décision qui viendra alourdir la tâche des professeurs dans les classes ordinaires. L’explosion du nombre d’élèves en difficulté dans les classes ordinaires nuit à la fois aux élèves et aux enseignants, estime le syndicat.

Ces six classes DGA (cinq au primaire et une au secondaire) sont abolies parce que la demande baisse pour ce type de service spécialisé, explique au Devoir Catherine Harel Bourdon, présidente de la CSDM. À l’inverse, la demande augmente pour des services aux élèves ayant un trouble de langage ou d’autisme. La commission scolaire prévoit ainsi de créer 19 classes spécialisées pour répondre aux besoins de ces élèves handicapés.

Les élèves sont envoyés dans des classes spécialisées par un comité formé des parents de l’enfant, de membres du personnel de l’école et d’un conseiller pédagogique en adaptation scolaire. Et ces comités ont tendance à recommander l’intégration en classe ordinaire des élèves ayant de graves difficultés, indique Mme Harel Bourdon.

« L’inclusion, dans certains cas, ça fonctionne super bien. On constate que les équipes-écoles travaillent beaucoup mieux dans le soutien de ces enfants-là en classe ordinaire avec des orthopédagogues en classe. C’est au-delà de nos espérances », dit la présidente de la CSDM.

Comme l’a rapporté jeudi Le Devoir, le modèle québécois d’inclusion fait l’envie de pays comme la France, qui cherchent à favoriser la scolarisation des enfants handicapés dans les écoles ordinaires. « Vous me faites rêver, là ! » a déclaré la secrétaire d’État française chargée des Personnes handicapées, Sophie Cluzel, en visitant une école du quartier Centre-Sud de Montréal.

 Les professeurs crient déjà à l’aide. Ils sont épuisés. Quand on leur demande pourquoi, la première raison qu’ils nous donnent, c’est l’intégration d’élèves en difficulté dans les classes ordinaires sans les services de soutien.

« L’intégration à tout prix »

En fermant ces classes pour élèves en grandes difficultés, la CSDM pratique « l’intégration à tout prix », sans tenir compte des besoins des enfants, déplore l’Alliance des professeures et des professeurs de Montréal.

Ça coûte cher, une classe DGA, car il y a moins d’élèves que dans une classe ordinaire, rappelle Catherine Renaud, présidente de l’Alliance. « On a l’impression que la fermeture de ces classes est d’abord une mesure administrative et budgétaire et que l’élève doit s’adapter. Ça devrait être l’inverse, le système scolaire doit s’adapter aux besoins de l’élève », dit-elle.

La représentante des enseignants est convaincue que la demande reste forte pour les classes spécialisées. Les enfants qui fréquentent une classe DGA ont au moins deux ans de retard sur le programme du ministère. L’intégration de ces 90 élèves provenant de six classes spécialisées viendra alourdir le climat dans les classes ordinaires, fait valoir le syndicat.

« Les professeurs crient déjà à l’aide. Ils sont épuisés. Quand on leur demande pourquoi, la première raison qu’ils nous donnent c’est l’intégration d’élèves en difficulté dans les classes ordinaires sans les services de soutien », dit Catherine Renaud.

Jusqu’à la moitié des élèves des classes ordinaires ont des difficultés d’apprentissage, rappelle-t-elle. Les enseignants de ces classes sont débordés. Ils n’ont le temps de s’occuper ni des élèves ayant des besoins particuliers ni des élèves plus doués.

Les enseignants ont pourtant obtenu du renfort avec les réinvestissements du gouvernement en éducation, souligne Catherine Harel Bourdon. La CSDM a reçu des fonds pour embaucher 70 techniciens en éducation spécialisée, 11 orthophonistes, 7 préposés aux élèves handicapés et 6 ergothérapeutes. Deux postes et demi de techniciens en travail social et un poste et demi de conseiller pédagogique ont aussi été créés.

Nouvelles classes spécialisées

« Contrairement à ce que dit le syndicat, on n’est vraiment pas dans une dynamique de fermeture de classes », dit la présidente de la CSDM. L’ouverture prévue de 19 nouvelles classes spécialisées l’an prochain — pour les élèves ayant des difficultés de langage ou un trouble du spectre de l’autisme — confirme l’engagement de la commission scolaire.

Malgré la fermeture de six classes pour les élèves ayant de graves difficultés d’apprentissage, il restera 40 de ces classes spécialisées à la CSDM — 32 au primaire et 8 au secondaire.

Les classes DGA qui seront abolies sont offertes dans le Centre-Sud (école primaire Jean-Baptiste-Meilleur), dans Rosemont-La Petite-Patrie (deux classes à l’école primaire La Petite Patrie), dans Hochelaga (école primaire Sainte-Jeanne-d’Arc), dans le Sud-Ouest (école primaire Victor-Rousselot) et dans le Plateau-Mont-Royal (école secondaire Jeanne-Mance).

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